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« N’oublie pas ta promesse… »

                                          Par Inès Ornella Ngabire

Un grand building  aux vitres teintées de bleu se dressait fièrement en plein centre ville. C’était l'établissement "D COMPANY". On pouvait entendre le brouhaha des personnes assises dans la salle de réunion, attendant la personne que tous surnommaient "l’ouragan". Certes, ce n’était qu’une femme mais elle inspirait la crainte et le respect partout où elle passait. Dorothée NSENGIYUMVA était son nom mais tous l’appelaient « Madame D ». Approchant la trentaine, grande avec un regard percant, elle faisait trembler tous sur son passage. Elle avait construit cet empire seule et maintenant, elle gravitait dans la sphère des grands.

            Ce jour-là était un grand jour pour elle et ses partenaires de l’entreprise de publicité. Elle recevait un nouveau client important, qui n’avait pas daigné décliner son identité. Le silence se fit dans le couloir et les occupants de la salle surent qu’elle arrivait. Le bruit de ses talons martelant le sol s’amplifiait à mesure qu’elle approchait. Elle pénétra dans la salle et, là aussi, le silence tomba d’un coup. Elle arborait un tailleur strict, de couleur cendre, et tenait à la main le dossier du client avec qui ils allaient peut-être conclure. Contournant la table, le visage impassible comme toujours, elle s’assit et fit face à tous.

  • Bonjour,  fit-elle. Belle journée pour les affaires.
  • Bonjour, répondirent-ils en chœur.
  • Le client n’est pas encore là ?
  • Non, mais il ne saurait tarder, dit son envoyé
  • Bien, attendons voir.

Au même instant, la porte de la salle s’ouvrit laissant passer un homme grand, quadragénaire à la carrure d'un ancien athlète, dont les mucles du cou jouaient sous la chemise à chaque mouvement. Il portait un costume bleu marine et une chemise écarlate non boutonnée jusqu'au bout. Son visage grave semblait n’avoir jamais esquissé un sourire. Madame D observa cet homme. Il avait un air familier mais elle ne parvenait pas à le situer précisément.

       Il s'assit à cinq places d'elle. Elle n'arrivait pas à se concentrer. Son esprit vif travaillait à toute vitesse. Elle fouilla dans sa memoire, en vain. Elle ne parvenait pas à l’identifier avec précision. L'homme se présenta comme étant François HARERIMANA.

  • HARERIMANA? demanda-t-elle
  • Exactement.
  • Nous sommes-nous déja rencontrés?
  • Effectivement. Cependant, de l'eau a coulé sous les ponts. Une ombre avait traversé son regard en disant cela.

Elle creusa davantage ses méninges mais ne parvint toujours pas à se remémorer qui pouvait être cet homme. Il ne lui inspirait pas confiance.

Les discussions d'affaires commencèrent pendant qu’elle cherchait toujours à situer l'homme. Trois heures après, ils firent une courte pause. Madame D. s'eclipsa dans son bureau, le temps d'une tasse de café. Elle était perturbée. Une quinzaine de minutes plus tard, elle regagna la salle de réunion. Ne trouvant pas de terrain d'entente, ils remirent à plus tard la signature. Pour HARERIMANA, il fallait absolument conclure ce contrat pour l'avenir de son entreprise. Madame D, il le savait, était son unique espoir. S’il parvenait à obtenir son partenariat, les investisseurs afflueraient. Les autres étaient déjà sortis de la salle et il ne restait qu'eux deux.

  • Pourrions-nous continuer les discussions cet après-midi? demanda-t-il.
  • Je ne pense pas, demain c'est mieux, répondit-elle jetant un oeil à sa montre. J'ai d'autres rendez-vous que je ne peux ni supprimer ni déplacer.
  • Alors, à demain. J'espère qu'on conclura et qu'il y aura votre signature en bas du contrat, dit-il en guise d'aurevoir.
  • On verra, conclut-t-elle pour toute réponse.

HARERIMANA tendit la main, elle hésita un moment, puis tendit aussi la sienne. Ils se serrèrent la main et il sortit.

       La journée se déroula sans entraves, comme d'habitude. Arrivée à la maison, en préparant son dîner, elle repensa à son client de la journée qu'elle n'avait pas pu identifier. A la fin du repas, elle voguait toujours dans le même état d'esprit. Comme chaque soir, elle consulta ses mails mais ne répondit cependant à aucun. Elle avait la tête ailleurs. Cela fait, elle éteignit les lumières et se dirigea vers sa chambre à coucher. Elle s'allongea mais ne s’endormit pas tout de suite. Longtemps après, elle tomba dans un sommeil agité, fit un cauchemar,  et revit sa famille. Elle se réveilla en sursaut et baignant de sueur. Elle alluma la lampe de chevet et s'assit. Elle retourna vingt ans en arrière, ce jour macabre où sa vie bascula.

        Le soleil était déjà haut quand elle se réveilla. Elle alla saluer ses parents qui vaquaient déja à leurs occupations quotidiennes, et son petit frère qui s’amusait non loin. Elle rentra dans la petite hutte et prit à manger avant de ressortir pour aller chercher de l'eau et du bois. Un petit sentier en terre conduisait à l'endroit où elle ramassait le bois mort. Elle aimait l'endroit car, toujours calme, elle entendait les oiseaux chanter dans la cîme des arbres. Elle fit un fagot de bois et descendit vers le ruisseau. Elle entendait déja le bruit de l'eau. Elle avancait en faisant de petits sauts et en chantant. Elle se mit à genoux au bord pour se désalterer un peu. Elle puisait de l'eau avec un pot en terre quant elle entendit des coups de feu nourris au loin. Des voix aussi se rapprochaient. Elle vit des femmes et des enfants courir et pleurer. Les hommes derrière, ne couraient pas eux. Celui qui semblait être leur chef donna un ordre qui terrifia la petite fille."Tuez-les tous". Elle chercha du regard un endroit où se cacher. Elle remarqua un buisson pas très loin et fila s'y dissimuler. Celui qui marchait en tête de fil, elle le reconnut. C'était un de ses voisins. Une fois sûre qu'ils étaient assez loin, elle sortit du buisson et courut jusqu'à sa maison. Les hommes qu'elle avait vu en contre bas, se trouvaient chez elle. Elle regarda à travers les branchages faisant office de "rugo", et vit toute sa famille agenouillée devant eux. Son père, cet homme qu'elle avait toujours pris pour un héros, implorait pour qu’on laisse la vie sauve à sa famille.

 

  • HARERIMANA, pourquoi fais-tu ceci? Qu'ai-je fais? Ne sommes nous pas voisins et frères?
  • Moi? Ton frère? Jamais! Tu croyais garder toute cette richesse pour toi seul?
  •  Prends ce tu veux et laisse nous la vie sauve, s'il te plait.
  •  Mais bien sûr que je vais prendre ce que je veux. Il est temps que les indésirables de votre race périssent.

Un des acolytes de HARERIMANA lui tendit une machette et il frappa son père à l’épaule. Un garçon qu'elle n'avait pas vu jusqu'ici poussa un cri.

  • Papa, non! C'est notre voisin! Pourquoi fais-tu cela?
  •  Petit con, ils nous ont pris nos biens, et maintenant dans tout le pays les gens comme eux payent partout où ils sont.
  • Mais ils ne nous ont rien pris papa, ce qu'ils ont leur appartient!
  •  Assez! Tais-toi.
  • Ce que vous faites ne vous apportera que des malheurs, dit NSENGIYUMVA avant de rendre l'âme.

HARERIMANA se jeta sur la femme, la traîna jusque dans la hutte. Elle se débattait comme un beau diable et criait à s'époumoner. Il la giffla et elle tomba inconsciente sur le sol. C'est là qu'il la viola. La petite Dorothée, pétrifiée, regardait la scène par un trou de la hutte. La mère de Dorothée avait recommencé à se débattre et HARERIMANA prit sa machette et lui fit une large et longue entaille au ventre. Elle perdait beaucoup de sang quand il sortit. Dorothée se glissa par le trou à l’intérieur et se mit à genou près de sa mère lui tenant la tête. Sur ses joues coulaient de grosses larmes. Elle pleurait silencieusement.

  • Mon enfant, arrête de pleurer.
  • Mère, ne me laisse pas. Je ne veux pas rester seule, parvint-elle à articuler entre deux sanglots.
  • Non, ne fais pas de bruit, lui murmura-t-elle de peur qu’ils ne l'entendent.

Elle se calma un peu mais les larmes ne cessaient d'innonder son visage.

  • Ma fille, avant de partir, tu dois me promettre quelque chose.
  • Que désires-tu mère?
  • Je sais que tu es encore petite mais j'aimerais que tu me promettes...(elle se tut un moment, la douleur était trop forte) que malgré ce qui nous arrive, tu leur pardonneras. Ne les hais jamais et vis pour nous tous, dit-elle en levant doucement la main vers sa fille pour lui essuyer le visage. Promets-moi!
  • Mère, comment pourrais-je? Ils viennent de m'enlever ce que j'avais de plus cher au monde.
  • Si tu ne le fais pas, toute ta vie, tu la passeras à haïr au lieu d’avancer. Promets-moi ma fille. Jamais de vengeance.
  • Mère, ce n'est pas possible.
  • Où est KAGABO?
  • Il est dehors, mère, murmura-t-elle en sanglots, en la secouant, voyant qu’elle fermait les yeux.
  • Promets-moi Dorothée, lui demanda-t-elle encore dans un soupir.
  • Oui mère, je te le promets.

Après sa réponse, sa mère la regarda, comme pour imprimer en elle la dernière image avec laquelle elle partirait. Elle caressa la joue de sa fille et lui fit un faible sourire."N'oublie jamais ta promesse ma fille.", fut la dernière phrase qu'elle entendit de sa mère.

Elle pleurait, tenant toujours la main de sa mère, quand elle entendit des sons de voix dehors et son frère qui pleurait. Elle sortit pour se replacer derrière l'enclos et regarder. HARERIMANA battait son petit frère et ordonnait à son fils de lui démontrer qu'il était un homme. Il lui tendit une machette et le poussa vers KAGABO. Elle eu un hoquet d'horreur et plaqua sa main sur la bouche pour ne pas faire de bruit.

  • Vas-y! Fais-le! l'obligeait son père.
  • Père, je ne peux pas, ce n'est qu'un enfant, dit le garçon qui semblait un peu plus âgé que Dorothée.
  • François! Ce sera toi ou lui. Choisis!

François leva la main prêt à abattre le petit KAGABO qui le regardait droit dans les yeux. Il tremblait de la main. Son père, derrière lui, prit sa main et la fit descendre doucement. François ne pouvait se résoudre à tuer cet enfant qui le fixait. Le père commenca alors à frapper François. Sentant que son père n'arrêterait pas tant qu'il n'aurait pas fait ce qu'il lui demandait, il baissa la tête et ferma les yeux pour ne plus voir le garçon. Il frappa d'un coup et sentit du sang lui éclabousser le visage. C'était fini, il l'avait fait. Son père lui tapota l'épaule et tourna les talons, les autres firent de même. François fit quelques pas à l'extérieur de l'enclos et se retourna pour regarder pour la première fois ce qu'il avait fait. Le garçon était allongé joue contre terre, le sang coulant de son torse, et continuant de le fixer de ses yeux vitreux, même dans la mort. Il sut que ce regard le hanterait toute sa vie. C'est là qu'il la vit. Cette petite fille pétrifiée derrière l'enclos...

Aujourd’hui, dans son lit, elle avait fini par se rappeler et les larmes coulaient sur ses joues. L'homme qu'il lui avait semblé reconnaître, elle le connaissait. Et pour cause, il avait tué son petit frère et son père avait massacré ses parents. Comment avait-il osé venir vers elle pour quoi que ce soit? Elle essuya rageusement ses larmes et prit son téléphone. Elle appela son conseiller financier et ami qui ne devait pas encore dormir, même si l'heure était très avancée. Elle composa le numéro et entendit la tonalité deux fois, il répondit à la troisième.

  • Bonsoir Paul.
  • Bonsoir Dorothée.
  • J'aimerais connaître l'état financier de l'entreprise de notre nouveau client.
  • Eh bien, il n'est pas bien brillant. Il attend de nous sa rédemption.
  • Merci Paul. Bonne nuit. J'oubliais, demain je ne viens pas, je ne me sens pas en forme.
  • Es-tu malade?
  • Je pense bien avoir attrapé froid.
  • Mon remède tu le connais. Remets-toi vite ma chère.
  • Merci Paul. Occupes-toi du client demain. A bientôt.

Elle raccrocha. Ainsi, sans elle il plongeait. Pourquoi lui donnerait-elle une perche pour s'en sortir? Elle ne lui fera pas ce cadeau. Sur cette résolution, elle se rendormit.

Son réveil sonna, elle tendit le bras et l'éteingnit, elle n'avait aucune envie de se présenter au bureau. Elle releva les draps au dessus de sa tête pour mieux se câler dans le lit. Elle avait mal dormi la nuit dernière et voulait se reposer.

Au bureau, dans la salle de réunion, on attendait le client. C'était Paul  NAHIMANA qui présiderait la réunion. Les cadres parlaient entre eux, certains riaient, d'autres commentaient tel ou tel évenement. L'atmosphère était détendue. Une secrétaire entra et vint dire à Paul tout bas que le client et sa suite étaient arrivés. Il lui demanda de les faire entrer. Il annonca à l'assemblée qu’ils étaient là. Ils entrèrent et prirent place.

  • Bonjour. N'est-elle pas là? Demanda François à Paul.
  • Non. Elle est souffrante mais on peut continuer.
  • Non, pourriez-vous me faire savoir quand elle sera rétablie? C'est avec elle que je voudrais négocier. Elle seule connait son travail.

Un murmure d'indignation s'elèva dans la salle. Tous savaient que Paul, autant que Madame D, était bon dans son travail. Paul ne releva pas l'outrage.

  •  D'accord Monsieur, nous vous communiquerons l'information. Si vous voulez bien m'excuser, j'ai d'autres engagements qui m'appellent.

Il marcha rapidement jusqu'à la porte, faillit la claquer mais se retint. Il alla directement dans son bureau. Il s'assit, essaya de se calmer avant de prendre le combiné. Il composa le numéro du domicile de Dorothée et attendit. Personne ne décrocha. C'est au troisième essai qu'elle répondit. Sa voix était encore rauque, signe qu’elle n'avait pas encore quitté le lit.

  • Désolé de te réveiller ma chère, mais il fallait que tu saches l'état des choses.
  • Il n'est pas venu, c'est cela? s'inquièta-t-elle
  • Oh non. Il est venu mais...
  • Mais comment est-ce que ca se fait que vous ayez déjà terminé la réunion?
  • Il n'y en a pas eu. Il ne veut négocier qu'avec toi. C'est toi seule qui connais ce travail d'après ses mots.

Il y eut silence à l'autre bout du fil. Il y eut comme un bruit de froissement de draps et il sut qu'elle s'asseyait.

  • Comment a-t-il pu? demanda-t-elle, parvenant à peine à contenir la colère qui l'envahissait.
  • Il a demandé ou plutôt sommé d'être prévenu de ton retour. Comment  vas-tu? Quand reviens-tu?
  • Il veut jouer à cela? Très bien. Je suis d'humeur, répondit-elle avec malice. Je reviens demain mais laisse-le mariner un peu.
  • Dans d'autres circonstances j'aurais désobéi mais maintenant je te suis, finit-il sa phrase avec un sourire pour lui même.
  • Très bien alors, à demain.

Elle sortit du lit et regarda l'heure. Il était déjà dix heures. Elle se leva donc, prit une douche et se prépara un petit déjeûner. Elle s'assit devant son ordinateur avec un verre de jus et commenca à répondre aux messages de la veille. Tout en répondant, elle repensa aux souvenirs qui l'avaient submergés la nuit d'avant, l'empêchant ainsi de bien dormir. Elle revit son père et une rage incontrôlable s'empara d'elle. Elle se leva d'un coup et se prépara pour sortir. Elle avait besoin de prendre l'air. Elle démarra la voiture et prit le chemin de la plage. Etant en milieu de semaine, elle était sûre de n'y trouver que très peu de personnes et c'était tant mieux.

La circulation commencait à s'intensifier. Elle alluma la radio pour essayer de se détendre un peu, vu qu'elle était coincée dans un embouteillage. Elle chercha une chaîne avec de la musique. Elle l'écoutait sans vraiment l'entendre; comme une lointaine mélodie. Elle était de nouveau dans le passé. Cette partie de sa vie qu'elle avait préferé enterrer dans un coin de sa mémoire, pour ne plus jamais s’en rappeler. Et voilà que ce même passé revenait la hanter, elle qui avait mis si longtemps à s’en défaire. Elle chemina donc doucement jusqu'à la plage. Elle se gara facilement, il n'y avait pas foule. Elle marcha sur le sable, cherchant un endroit où s'asseoir. Elle enleva ses chaussures, la chaleur du sable vint comme une caresse sous ses pieds. Elle continua à marcher et vit enfin l'endroit idéal. C'était un peu à l'écart mais assez près des vagues. Un serveur en tenue vert émeraude vint prendre sa commande. Il lui remit le menu, elle le parcourut assez rapidement et arreta son choix sur un coctail de fruits, non alcolisé. Le serveur partit avec la commande, la laissant seule. Elle s'effondra en larmes. Elle, que tous craignaient et surnomaient “l’ouragan”, pleurait. Une blessure qui avait mis longtemps à cicatriser s'était réouverte du jour au lendemain, sans crier gare. Elle se sentait tellement mal. Elle prit son portable et appela Paul pour qu'il la rejoigne. Elle avait besoin de parler à quelqu'un. Il décrocha directement.

  • Salut Paul.
  • Qu'est-ce qui ne va pas? Tu as une petite voix.
  • Est-ce que tu as du temps? Je ne vais pas bien effectivement.
  • Tu n'as pas pris mon remède?
  • Ce n'est pas la grippe. J'ai besoin de parler. Est-ce que tu es disponible maintenant?
  • J'étais en train de terminer un dossier. Le temps de passer à la banque et je suis à toi. Où es-tu?
  • A la plage. Ne tarde pas.
  • A tes ordres boss, répondit-it avec un rire.

Le serveur revenait déjà lorsqu'elle raccrocha. Il mit la boisson devant elle et posa près d'elle une boîte de kleenex. Il eut un regard pour dire "je pense que vous en aurez besoin". Elle fit un mouvement de la tête en signe de gratitude. Il prit alors congé d'elle. Elle sirotait son cocktail, le regard perdu dans les vagues.

 Elle ne saurait dire combien de temps elle resta sans bouger. Une main sur son épaule la fit sursauter et sortir des songes. Elle se retourna et vit Paul. Il s'assit en face d'elle. Il constata qu'elle avait mauvaise mine et les yeux rougis d'avoir pleuré. Il s'inquiéta car il ne l'avait jamais vu dans cet état.

  • Qu'est-ce qui t'arrive?
  • Le client, je ne peux pas conclure avec lui!

Elle lui raconta alors toute l'histoire de son passé. Il semblait ébahi, n'arrivant pas à croire que son amie toujours sereine avait pu un jour traverser tout cela. Elle prit un kleenex et tampona ses yeux rougis. A la fin de son histoire, Paul la prit dans ses bras pour la consoler. Elle tenta de se dégager avant de se laisser finalement aller sur cette épaule amicale. Ils passèrent un moment sans parler. Lorsqu'il fut sûr que, les spasmes dûs aux pleurs, s'étaient estompés, il relacha son etreinte et la regarda droit dans les yeux.

 

     -    Pourquoi m'avais-tu caché tout cela?                                                   

  • Comprends-moi,ce n'est pas le genre de chose à quoi je pense tout le temps ou dont je veuille discuter.
  • Mais en parler aurait pu attenuer cette douleur. Comment as-tu fait pour garder pour toi seule ce fardeau pendant toutes ces années? Personnellement, je n'aurais pas pu.
  • Je n'avais pas la force d'en parler et voulais surtout oublier cette partie de ma vie. Je ne pensais plus avoir à faire encore avec les membres de cette famille-là!
  • Que vas-tu faire alors? Vas-tu traiter avec lui?
  • Je reviens demain au bureau. Ne lui dis rien cependant. Quand il appelera lui-même pour me demander, alors là, donnez un rendez-vous le jour suivant.

Une semaine s'écoula ainsi. Le conseiller de François ne passait pas un jour sans appeler au    " D Company" avec toujours la même reponse: " Madame D n'est pas encore de retour". François finit par se décider à appeler lui-même et demander ce qui se passait. Comme la consigne de l'appel de Francois avait été donnée dans tous les services, on lui dit qu’elle était revenu le jour même et qu’elle pouvait le recevoir le jour suivant.

Il vint comme on le lui avait demandé et, arrivé dans la salle de réunion, il ne trouva personne et décida de s'asseoir en attendant. Les collaborateurs de Madame D. arrivaient un à un. Vint ensuite le tour de Paul. Madame D. n’arriva que trois quart d'heure plus tard. Elle les salua tous avec un hochement de tête. Alors ils commencèrent les négociations pour la signature du contrat. Une atmosphère éléctrique règnait dans la salle, presque palpable. Les propositions fusaient de partout, les chiffres aussi. Madame ne voulait pas qu'après, certains de ses collaborateurs disent qu'elle avait tout fait toute seule, alors elle les laissait donner leurs avis. Elle regardait en coin François qui semblait excedé et au bord de la crise de nerfs. Elle s'en réjouissait, elle commençait à esquisser un sourire lorsque celui-ci leva la tête et regarda en sa direction comme s’il s'était senti épié. Le sourire s'évanouit. Elle détourna la tête et retrouva l'expression impassible qu'elle avait arborée depuis le début de la réunion. Au bout d'une heure, elle annonca que François et sa délégation devaient sortir pour qu'ils puissent se décider sur le contrat. Elle l'avait demandé de manière presque impolie. Il avait froncé les sourcils et malgré tout s'était levé et était sorti, suivi de ceux avec qui il était venu. Dans le couloir, il ne parvenait pas à garder le calme. Il faisait les cent pas de long en large comme un lion en cage. Il ne cessait de se demander si Madame D. avait fini par se rappeler de lui. Il croisait les doigts en espérant que non. Mais voyant comment elle le traitait, les doutes sur le secret de son identité étaient infimes. Mais si elle savait, pourquoi donc l'avait-elle reçu? Allait-elle conclure avec lui ou voulait-elle se venger? Tant de questions lui taraudaient l'esprit. Il avait tellement besoin de son aide. Son conseiller l'interpella deux fois avant de l'entendre.

  • Tu devrais t'asseoir, tu commences à me donner le tournis.
  • Désolé, je suis assez nerveux.

A l'intérieur, Madame D. écoutait ce que ses collaborateurs avaient à dire,et lorsqu'ils eurent fini, elle les mit au courant du fait qu’elle ne pouvait accepter l'accord. Elle prétexta que le prix qu'on leur proposait était trop bas. Ce n’était pas le cas, et elle ne l’ignorait guère.  Elle demanda de faire rentrer ceux qui attendaient dans le couloir.

Jamais François ne s'etait senti aussi nerveux. Ils entrèrent dans la salle et reprirent leurs places respectives. Il coula un regard vers  Madame D. pour essayer de deviner la décision qu’ils avaient arrêtés. Elle avait les bras croisés sur la table, un demi sourire étrange sur le visage. Il sut alors que les dés étaient déjà jetés et que le contrat pour lui n'était plus qu'un souvenir. Elle posa les mains à plat sur la table et se mit debout avant de prendre la parole.

  • Nous avons décidé que nous ne...elle se tut.

 Elle venait tout juste de se souvenir de sa mère, de sa dernière volonté. Elle avait promis de ne pas se venger, promesse qu’elle avait oubliée. Elle se racla la gorge et reprit la parole.

  • Nous serions enchanté de travailler avec votre entreprise, Monsieur HARERIMANA.

Un murmure général parcourut la salle. Elle venait de changer subitement sa position. François n’en revenait pas, il se mit alors à aplaudire, suivit de la salle entière.

Après la réunion, François alla toquer à son bureau. Il voulait savoir pourquoi il y avait eu revirement. Pour toute réponse, elle lui répondit simplement que c’était la dernière volonté de sa mère.

  • Alors vous vous rappelez?
  • Oui.
  • Et?
  • Et j’ai décidé de ne pas haïr et d’avancer.
  • Je voudrais m’excuser sur ce que nous avons fait.
  • N’en parlons plus puisque on ne peut plus revenir en arrière pour changer quoi que ce soit. Alors autant apprendre à vivre en allant de l’avant.
  • Vous avez raison. Vivons le présent, ne laissons pas le passé nous détruire. Pourrais-je vous demander quelle était cette dernière volonté?
  • Ne jamais me venger, vous pardonner et vivre pleinement ma vie pour mes parents et mon frère. La vengeance ne mène nulle part, c’est un cercle vicieux.

 

Les auteurs
Inès Ornella Ngabire
Yvan HEZAGIRA
Egide Nikiza
Jean Claude NDAYIRAGIJE
Augustin BIMENYIMANA


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